STATION TO STATION





Description

Station to Station est le dixième album studio de David Bowie, sorti en janvier 1976 chez RCA Records.

Ce disque est enregistré durant une période difficile pour le chanteur : exilé à Los Angeles, il est plongé dans une paranoïa teintée d'occultisme, alimentée par son addiction à la cocaïne. Son état mental est si dégradé qu'il affirme par l a suite n'avoir plus aucun souvenir des séances d'enregistrement. Il y développe son dernier personnage, le Thin White Duke (« Mince duc blanc »), un individu froid et hautain dont l'apparence est influencée par son rôle d'extraterrestre dans le film L'Homme qui venait d'ailleurs de Nicolas Roeg, sorti la même année.

Station to Station est généralement considéré comme un album de transition dans la carrière de Bowie. Musicalement, il s'inscrit dans la continuité des sonorités soul de Young Americans, paru l'année précédente, mais il intègre également des expériences avec les synthétiseurs et les rythmes motorik, sous l'influence de groupes allemands comme Kraftwerk ou Neu!. Il annonce ainsi la trilogie berlinoise que Bowie enregistre entre 1976 et 1979 avec la même section rythmique (Carlos Alomar à la guitare, George Murray à la basse et Dennis Davis à la batterie). Les paroles reflètent quant à elles l'intérêt du chanteur pour Friedrich Nietzsche, Aleister Crowley, les mythes et la religion en général.

Ce mélange de funk et de krautrock, d'occultisme et de ballades romantiques, constitue « l'un des albums de Bowie les plus accessibles et les plus impénétrables à la fois » selon ses biographes Roy Carr et Charles Shaar Murray. À sa sortie, il se classe dans les cinq meilleures ventes au Royaume-Uni et aux États-Unis, et la critique lui réserve un accueil très favorable. Il reste considéré par la suite comme l'un des meilleurs albums du chanteur.

Contexte

Installé à Los Angeles, David Bowie passe la majeure partie de la période 1975-1976 « dans un état de terreur psychique » selon son biographe David Buckley : il consomme des quantités « astronomiques » de cocaïne et ne se nourrit plus que de poivrons et de lait. Une interview du chanteur par Cameron Crowe, dont des extraits paraissent dans les magazines américains Playboy et Rolling Stone, alimente les rumeurs les plus folles : Bowie vivrait reclus dans une maison pleine d'antiquités égyptiennes, à la lumière de bougies noires ; il verrait des cadavres tomber par la fenêtre ; des sorcières voleraient son sperme ; il recevrait des messages secrets des Rolling Stones et serait terrorisé par Jimmy Page et sa passion pour l'occultiste anglais Aleister Crowley. Quelques années plus tard, Bowie dira de Los Angeles : « il faudrait rayer cette putain de ville de la surface du globe ».

Au cours de l'année 1975, Bowie tourne dans L'Homme qui venait d'ailleurs de Nicolas Roeg, film dont il interprète le personnage principal, un extraterrestre nommé Thomas Jerome Newton. Avec l'accord du réalisateur, il développe l'apparence de Newton : « cheveux écarlates et blonds avec une raie au milieu, veste et feutre ». Roeg le prévient que ce rôle risque de continuer à le hanter, ce qui se produit effectivement : l'allure fragile et hautaine de Newton se répercute sur son image publique. Entre les prises, le chanteur commence à rédiger une pseudo-autobiographie intitulée The Return of the Thin White Duke, « Le Retour du mince duc blanc ».

Dernier représentant d'une lignée de personnages incarnés par Bowie (Ziggy Stardust, Halloween Jack…), le Thin White Duke (« Mince duc blanc ») devient ainsi le porte-parole de Station to Station, voire du chanteur lui-même. Impeccablement vêtu d'une chemise blanche, d'un veston et d'un pantalon noirs, le « Duke » est un homme creux, qui chante des airs romantiques avec intensité sans rien ressentir lui-même : « un aristocrate dément », « un zombi amoral », « un surhomme aryen dépourvu d'émotion ». Bowie le décrit par la suite comme « un vilain personnage, assurément ».

Analyse

Station to station s'ouvre sur un train synthétisé qui se cogne le long de la chanson-titre de dix minutes, et la voix désincarnée d'un Anglais romantique qui chante «. . . le retour du mince duc blanc. La forme est familière : accords monstres, voix pointues et arrangements de course. Le scénario se construit jusqu'à ce que Bowie passe à la deuxième phase de la chanson, un morceau déchirant de power rock parsemé de questions: "Et qui me connectera avec l'amour?" et "Est-ce que mon visage montre une sorte de malheur?" Il n'est peut-être pas sérieusement engagé dans le rock, mais quand l'ambiance le frappe, tout revient en force. Toujours acteur, David Bowie peut assumer le rôle de rockeur et le faire fonctionner.

Malheureusement, son dévouement au rôle n'est pas inébranlable, et sur des chansons comme "Word on a Wing", l e chœur angélique exsangue et le piano soul enfantin déprécient la passion élégante et vaguement religieuse des paroles et de la voix principale. Pourtant, le plus souvent, le matériel de Station to Station présente le rock Young Americansnous a forcés à croire qu'il ne resurgirait plus jamais : « TVC 15 », qui rend l'auditeur désireux d'une feuille de paroles, a le genre de lecteur non disco qui manque à la musique de Bowie depuis « Suffragette City ». "Transition", ronronne Bowie, "transmission", et le rythme devient une série d'explosions mineures. "Golden Years" a une surface plus attrayante et son assortiment R&B luxuriant de styles vocaux, de sifflets et de crochet classique de première ligne ("Ne me laissez pas vous entendre dire que la vie ne vous mène nulle part") en fait l'auto-indulgence la plus séduisante de Bowie depuis Pin-up.

Pourtant, la conviction obsessionnellement passionnée de ses œuvres antérieures est absente. Cela reste l'effort professionnel réfléchi d'un artiste soucieux du style dont la capacité à écrire et à interpréter un rock & roll exigeant coexiste confortablement avec sa fascination pour les formes diverses. C'est un bien meilleur album que ce que nous avions été amenés à croire que Bowie était prêt à faire, mais bien qu'il y ait peu de doute sur son talent, on se demande combien de temps il continuera à lutter avec le rock.

COVER-STORY


La pochette de Station to Station est une image en noir et blanc tirée du film L'Homme qui venait d'ailleurs. Elle représente le moment où Thomas Jerome Newton pénètre à l'intérieur du vaisseau spatial qu'il a conçu afin de retourner sur sa planète d'origine. Cette image est inscrite dans un cadre blanc et surmontée du titre de l'album et du nom de l'artiste, qui apparaissent en lettres capitales rouges, sans espaces entre les mots. Nicholas Pegg et Matthieu Thibault soulignent que l'austérité de cette pochette illustre bien les sonorités froides et mécaniques dont Bowie fait usage sur l'album.

À l'origine, la pochette devait être en couleur, mais Bowie refuse l'image choisie car il trouve que le ciel a l'air artificiel. Par conséquent, la pochette est réalisée en noir et blanc et n'inclut qu'un détail de l'image originale. Certaines rééditions de l'album au format CD optent cependant pour une version en couleur de l'image.

SETLIST


Piste Titre Durée
Face A
01 Station to Station 10:11
02 Golden Years 4:00
03 Word on a Wing 5:50
Face B
04 TVC 15 5:31
05 Stay 6:13
06 Wild Is the Wind 6:00